Les stars françaises de l’économie collaborative
[Le Parisien ECO] : Plus de la moitié de Français consomment de l’économie de partage, parfois même sans le savoir. Et dans ce secteur en plein boom, les entrepreneurs français sont en pointe. « Le Parisien Economie » les a rencontrés.
Il était une fois l’économie collaborative… à l’époque du « 3615 ». « Bien avant l’arrivée de Airbnb, des Français avaient déjà eu l’idée d’ouvrir leurs portes à des inconnus, rappelle Anne-Catherine Péchinot, directrice générale de Gîtes de France. On l’oublie souvent, mais le premier réseau d’hébergements chez l’habitant en Europe est né en France en 1957. Il a été précurseur en 1987 en proposant ses adresses sur le minitel ! » Près de 60 ans après sa création, le réseau, plus collaboratif que jamais, affiche 67 000 hébergements sur son site Internet et dispose même d’une application mobile.
L’engouement pour cette économie du partage est plus que jamais d’actualité : selon un récent sondage Sociovision, près de un Français sur deux est aujourd’hui adepte de la consommation dite « collaborative ». Revente d’objets, covoiturage, autopartage ou troc divers : les consommateurs ont l’embarras du choix. C’est en France qu’a été créé PriceMinister, en 2000, avant d’être acheté par le numéro un du commerce électronique japonais Rakuten. Et plus récemment, lancé en 2008, le site de covoiturage BlaBlaCar affiche une insolente croissance de 200 % par an. « Pourtant, les débuts ont été difficiles, se souvient son fondateur, Frédéric Mazzella. On a commis l’erreur de proposer d’abord nos services aux entreprises alors que le concept intéressait surtout le grand public. » Bien vu : la plateforme compte aujourd’hui 20 millions de membres dans 19 pays.
« Ce sont de bonnes idées qui ont décollé au bon moment, analyse Rémy Oudghiri, directeur général adjoint de l’observatoire Sociovision. Avec le ralentissement de l’économie en 2008-2009 et les Français se sont tournés naturellement vers les pratiques collaboratives. » Mais la crise n’explique pas tout. « Grâce à la technologie, les consommateurs se sont détournés des solutions institutionnelles pour privilégier les circuits courts. Et on constate que tous les domaines de la vie quotidienne sont potentiellement concernés. »
La perceuse du voisin
Alexandre Woog a eu la même intuition. En 2009, ce jeune entrepreneur a cofondé le site e-loue qui met en relation propriétaires et locataires d’objets. « On est tout simplement partis de besoins simples comme celui d’une perceuse pour un petit bricolage, se souvient-il. On s’est dit que le plus simple était de s’adresser à un voisin et qu’il y avait sans doute quelque chose à creuser au niveau de la mise en relation entre particuliers. » Bonne pioche : six ans plus tard, le modèle a amélioré sa prestation en proposant de vrais systèmes de caution et d’assurance et affiche un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros. Plusieurs grands groupes lui ont d’ailleurs emboîté le pas. « On s’aperçoit que l’on était précurseurs. Aujourd’hui, nous avons des partenariats avec des enseignes comme Leroy Merlin ou Go Sport qui, moyennant un abonnement, proposent eux aussi de la location sur notre plateforme. »
Rien ne se perd, tout se partage… même le savoir. Laetitia Alcover confirme. En 2012, cette entrepreneure a participé au lancement de Kang, une plateforme lancée avec le soutien de Xavier Niel. « Notre idée a été de permettre à des professionnels et des particuliers de partager leur expertise de chez eux et uniquement par téléphone, explique la cofondatrice de la start up. Nous avons par exemple une pharmacienne qui donne des conseils de nutrition et de detox le soir. Un avocat peut donner des conseils juridiques comme une mère de famille peut partager ses trucs. Techniquement, le consommateur achète juste des crédits qui correspondent à un nombre de minutes au téléphone. »
Trois ans après sa création, l’entreprise affiche 30 000 consultations mensuelles d’un montant moyen de 30 EUR. Quant aux 2 500 experts, ils gagneraient en moyenne 850 € par mois.
En 2015, près d’un Français sur deux vendra un objet ou une prestation sur une plateforme collaborative selon Rémy Oudghiri. « On est tous en train de devenir potentiellement des vendeurs, analyse l’expert. L’économie collaborative favorise l’esprit d’entreprise. Car à partir du moment où vous mettez un produit en avant, vous vous posez les mêmes questions que tous les commerçants. » De quoi générer de nouvelles créations d’entreprise.