Le Crossfit, une bonne préparation pour l’ultratrail ?
Le Crossfit est un programme de préparation physique et d’entraînement musculaire qui mélange différentes activités physiques et sportives préexistantes telles que la gymnastique, le fitness, l’haltérophilie, l’athlétisme, l’exercice cardio.
Le Crossfit, fondé par l’ancien gymnaste universitaire Greg Glassman dans le courant des années 1970 est parfois décrié, accusé de provoquer des blessures physiques (voir à ce sujet un article qui montre que ce n’est pas forcément le cas) et beaucoup de traileurs ou de coureurs trouvent ce mode de préparation inutile.
Peut on préparer un trail long ou un marathon sans courir (ou sans trop courir) mais en faisant du crossfit ?
A priori oui. En tout cas, c’est ce que promet Brian MacKenzie, triathlète et coach américain qui a crée la méthode du “CrossFit Endurance” (CFE) ou l’endurance par le CrossFit. Il garantit des performances améliorées en vitesse et en endurance, en s’entrainant sans jamais courir de longues distances
Le journaliste américain Christopher Solomon a testé cette méthode et raconte dans le magazine Outside son test (lire l’article en anglais ici). A l’aide de burpees, abdos, pompes, haltéros et sprint, il bat son record sur marathon (3h39) et raconte qu’il a franchit la ligne d’arrivée sans aucune blessure (il avait arrêté de courir le marathon car il se blessait trop) et sans connaitre le fameux « mur ».
Brian MacKenzie lui même a couru en 2007 Angeles Crest 100 un ultra de 161 kilomètres en ne courant que 20 km par semaine (mais en passant 6 heures par semaine à faire du crossfit tout de même). Certains athlètes se préparent d’ailleurs à l’ultra grâce au crossfit : lire à ce sujet l’interview de Florent Piqué (finisher UTMB).
Peut-on faire de ces cas des généralités ? bien sûr que non : certains athlètes ont testé cette méthode et l’ont détesté
Y a-t-il des résultats scientifiques ?
Néanmoins, certains résultats scientifiques montrent que l’on peut s’entrainer moins mais mieux.
En septembre 2006 des chercheurs américains ont divisé un groupe de 16 hommes en deux et les ont soumis à des protocoles d’entrainement très différents :
- Le premier groupe faisait du vélo d’appartement à une vitesse modérée, pendant deux heures, six fois en deux semaines
- Le second faisait des sprints de 30 sec dans des séances courtes (15 min)
Au final les résultats des 2 groupes étaient comparables en terme d’endurance (pour les curieux, l’étude en anglais ici) et dont voici la conclusion :
« the most striking finding from the present study was that two very diverse forms of training induced remarkably similar changes in exercise capacity and selected muscle adaptations that are related to exercise tolerance. Given the markedly lower training volume in the SIT group, our results suggest that intense interval training is indeed a time-efficient strategy to induce rapid muscle and performance adaptations comparable to traditional endurance training »
Xavier Trémaudan a publié en 2010 un mémoire très intéressant sur les « Intérêts de l’entraînement croisé chez le coureur d’ultra-fond » (degré entraîneur FFA hors stade). Ce mémoire, qui repose en partie sur une large étude réalisée sur internet en 2009 auprès de pratiquants d’ultra-trail, ne traite pas de spécifiquement du crossfit mais démontre l’intérêt d’un entraînement croisé. Citation au sujet de la force :
« Et pourtant, l’amélioration des facteurs musculaires (neuro-musculaire, structural, élastique) pourrait s’avérer utile, le jour de l’épreuve. Une meilleure tenue du haut du corps (abdominaux, dorsaux-lombaires), un meilleur renfort des muscles du bassin (fessiers, pyramidal, psoas, adducteurs) et des jambes plus fortes (quadriceps, ischios) pourraient favoriser les contractions musculaires, sur la durée, en retardant les effets de crampes et les conséquences de la répétition du régime des contractions excentriques des quadriceps »
Si on est trop musclé, on court moins bien
Oui et non. Evidemment devenir plus fort ne veut pas dire devenir plus lourd dans une discipline ou la masse corporelle joue un rôle essentiel. Rappelons qu’une augmentation de 5 kg de masse musculaire chez une personne de 70 kg (8%) va augmenter de 20% sa consommation calorique journalière tant à l’effort qu’au repos !
Néanmoins, une bonne musculature peut aider à augmenter la résistance musculaire des jambes et améliorent l’endurance. En outre, vous allez récupérer plus vite après vos sorties longues, car une solide musculature permet à l’organisme de recycler plus efficacement les déchets métaboliques.
Mon expérience personnelle
Je me suis mise au Crossfit après m’être lassée des longues séances d’endurance, fastidieuses et monotones. Après plusieurs années à courir souvent plus de 80 km par semaine sur les quais de Seine, je n’avais plus envie …
Avec le Crossfit, je me suis musclée, j’ai fait beaucoup de fractionné (avec des box jump, des burpees) et assez vite j’ai eu envie de recourir. Je me suis aperçue que ma foulée s’etait modifiée : moins rasante, plus aérienne et que ma vitesse de pointe avait progressé. Je gère aussi mieux mes efforts.
Pour être honnête, mes performances ont plutôt diminué (quand je faisais du mono-entrainement, je tournais entre 1h-5 et 1h20 sur Paris Versailles et j’ai bien perdu 5 bonnes minutes sur cette distance qui est mon « étalon ») mais en revanche je ne me blesse plus et je ne connais plus le sens du mot « courbature ».
— Anne-Catherine Péchinot